Durant les années 1980, toute une série de facteurs politiques, institutionnels et diplomatiques se sont combinés pour une renaissance de l'historiographie juive polonaise qu'on ne peut comparer qu'à celle des années 1930. La naissance du mouvement ouvrier Solidarité, au début de la décennie, a conduit à court terme à la menace d'une intervention soviétique et à l'imposition de la loi martiale, mais elle a permis en même temps aux Polonais d'exprimer un certain nombre de revendications politiques et culturelles auxquelles rien jusque-là ne faisait écho dans la vie officielle du pays. Parmi celles-ci, une réévaluation complète de l'expérience historique moderne du pays depuis les fatals partages de la Pologne, à la fin du xviiie siècle. Or, dans toutes les confrontations avec le passé s'est posée la question des « Juifs de Pologne », de leur enracinement — ou de leur manque d'enracinement — dans le paysage historique et de leur condition de victimes de l'histoire, une histoire au cours de laquelle il y eut d'une certaine manière convergence avec la nation polonaise, mais aussi par d'autres aspects essentiels une évidente divergence.