Quid du corps du roi hellénistique ? Lorsqu'on parle des rois dans l'Antiquité, on se trouve nécessairement en dessous du schème mis au jour par Ernst Kantorowicz, étudiant le corps avant les deux corps du roi. L'analyse de la Cyropédie de Xénophon permet de retrouver cette configuration, où le problème n'est pas celui de la conformation, toujours inadéquate, à un sur-corps royal, mais plutôt celui de l'embranchement, toujours opaque, du naturel et de la pompe, celle-ci étant le complément nécessaire de celui-là dans les conditions d'un empire étendu, celui-là risquant de disparaître sous le luxe dont s'entoure le souverain. Entre transparence et obstacle, signe et masque donc, ce modèle se trouve raffiné par Alexandre le Grand. S'il est pris dans la même alternative, le Conquérant est sous le feu de critiques qui l'obligent à séparer tactiquement sa personne et le luxe. Cette séparation n'a rien d'une dualité et ne fait que s'appuyer sur des frontières I V mouvantes, en insistant tantôt sur le corps naturellement royal d'Alexandre, tantôt au contraire sur le luxe reconfiguré par l'extrême maîtrise du souverain. Les rois hellénistiques, qui héritent de ce lot de problèmes, alternent entre une symbolisation de leur naturel et une naturalisation du symbolique, dans un jeu qui jamais ne cesse ni ne se stabilise, avant que l'arrivée de Rome ne vienne détruire ce corps royal en construction permanente. Tout se passe donc comme si l'incarnation de la royauté avait été proprement inconcevable.