Cet article tente de recréer la langue des révolutionnaires haïtiens, plus particulièrement celle de Toussaint Louverture, à l’aide des témoignages de ses contemporains, des lettres rédigées par d’anciens esclaves et du mémoire qu’il écrivit peu avant sa mort. Une analyse détaillée de ces sources faisant appel à l’histoire et à la linguistique montre que Louverture privilégiait le français à l’écrit, qu’il cantonnait le kreyòl à un rôle oral (surtout quand il s’adressait aux classes laborieuses) et qu’il n’utilisait que très rarement la langue ewe-fon de ses ancêtres aradas. Son mémoire suggère que le kreyòl haïtien, à qui certains linguistes attribuent des origines africaines, fut davantage influencé par des prononciations anciennes, populaires, ou régionales du français. La préférence de Louverture pour le français renforce aussi les thèses qui font de lui un personnage modéré et très influencé par le modèle métropolitain.