Revendiquant depuis 1995 l’indépendance de l’Italie septentrionale, rebaptisée Padanie, le parti italien de la Ligue du Nord s’est employé à réécrire l’histoire nationale : non seulement parce qu’il produit un récit nettement séparé pour le Nord et pour le Sud, mais aussi parce qu’il tire les conséquences politiques d’une histoire ainsi construite. S’il affirme que, au XIXe siècle, l’unité nationale n’a pas été le fruit de la volonté populaire, c’est pour démontrer qu’aujourd’hui l’Italie n’a pas de raisons d’être. Outil déconstructionniste concernant l’Italie, l’histoire devient, à propos de la Padanie, un instrument structurant. Il s’agit de souligner l’ancienneté de la communauté padane et d’affirmer sa différence structurelle avec le sud du pays. Dans un tel contexte, les historiens, considérés comme des « intellectuels de régime » parce qu’ils nient l’existence de la Padanie et confrontés à l’instrumentalisation possible de leur oeuvre, sont obligés de se repositionner. En effet, comment produire aujourd’hui une analyse critique de l’unité italienne, ce qui était le fait de l’historiographie liée à la gauche, sans pour autant légitimer l’indépendantisme padan ?