Le Comité international a reçu du Comité central d'Athènes la lettre suivante:

« Athènes, le 3/15 mai 1899

« Messieurs,

« C'est avec les plus vifs regrets que nous venons vous annoncer la perte extrêmement regrettable que nous avons faite en la personne de notre président, M. George Typaldo-Kosaki, décédé à Athènes le 11/23 avril 899.

« La Société grecque de la Croix-Rouge a ressenti avec une profonde douleur la perte de son honorable président, plein d'énergie et de dévouement pour notre œuvre.

L'article que nous avons consacré dans notre dernier Bulletin à la guerre hispano-américaine ne renfermait pas certains détails qui auraient été de nature à intéresser nos lecteurs, et qui, n'ayant trouvé place que dans la revue trimestrielle de médecine militaire, leur auront peut être échappé. Nous croyons par conséquent bon de les rappeler ici.

Il nous arrive d'Amérique plusieurs ouvrages dont la publication a été occasionnée par la guerre hispano-américaine. Le premier est le Rapport adressé par le Comité exécutif de secours pour Cuba au secrétaire d'Etat sur l'activité déployée par la Croix-Rouge pendant la campagne cubaine.

La presse médicale américaine continue à rechercher les responsabilités encourues par les services sanitaires pendant la dernière guerre. La commission nommée à cet effet par le gouvernement a constaté différentes lacunes dans l'organisation des services officiels; mais a-t-on su dans toutes les circonstances se servir des moyens d'action que l'on avait sous la main, « make the best use of means at hand? » C'est plus que douteux, et le reproche de négligence ou d'incurie semble tout au moins fondé. Sans entrer dans le vif de la question, il convient d'autre part de constater, avec le rapport de la commission d'enquête, que, malgré les erreurs commises, la mortalité a été faible du côté américain et la morbidité modérée, étant données les circonstances de cette campagne.

L'Institut de France a pris, en 1898, une généreuse décision à l'égard de la Société française. Se souvenant que le duc d'Aumale en avait été le président, et lui avait témoigné sa plus vive sollicitude, il a décidé que le samedi de chaque semaine, le musée Condé, à Chantilly, serait ouvert moyennant un droit d'entrée de 1 franc, et que le produit de ces entrées serait versé à la caisse de la Croix-Rouge.

Commençons par reproduire l'entrefilet suivant des Archives de médecine et de pharmacie militaires qui confirme et complète les renseignements contenus dans la Revue de médecine militaire de notre précédent Bulletin, sur l'activité du service sanitaire pendant la guerre de Cuba.

« Les notes ci-après sont empruntées au rapport officiel adressé par le lieutenant Godfrey, aide-major, au médecin général de l'armée des Etats-Unis, et parvenu à la publicité on ne sait pas au juste par quelle voie.

Nous avons publié dans notre dernier Bulletin une lettre de miss Barton qui annonçait que la Croix-Rouge américaine retournait une fois de plus à Cuba pour y établir des hôpitaux et y soulager les misères de toute sorte. Le Evening Times, de Washington, dans son numéro du 15 juillet, raconte d'après les récits du Dr Hubbell, qui fonctionnait comme agent de la Croix-Rouge et qui vient de revenir de Cuba, la manière dont miss Barton a organisé l'œuvre de secours. Son plan a consisté à établir, dans les petites villes de préférence aux grandes où les ressources sont plus abondantes, des asiles où sont recueillis les orphelins des districts voisins; elle cherche à intéresser le public à son œuvre et à découvrir un agent capable auquel elle laisse la charge de diriger l'asile et de continuer l'œuvre, tandis qu'elle va elle-même poursuivre plus loin la sienne. La Société conserve la surveillance générale des asiles, les alimente et les entretient.

Le mandat de trois ans conféré au président de la Société italienne étant arrivé le 6 avril à expiration, le roi a bien voulu le renouveler pour une nouvelle période triennale, donnant ainsi au comte Taverna un témoignage de confiance justement mérité.

Le solde des fonds recueillis à l'occasion de la campagne d'Afrique, s'élevant à la somme de lires 482,280 17, continue à être distribué aux victimes de la guerre ou à leurs familles.

L'assemblée générale des membres fondateurs de la Société française de secours aux blessés militaires a eu lieu le 31 mai 1899 sous la présidence du général Davout, duc d'Auerstædt. Le président de la République, les ministres de la guerre, de la marine, de l'intérieur et des colonies y étaient représentés. La séance a été remplie par un discours de M. Denys Cochin, par l'élection du duc de Chartres comme membre du Conseil central et par la lecture des rapports annuels et financiers dont nous allons donner une rapide analyse.

Nous avons, à l'époque de la guerre de l'Erythrée et après l'achèvement de cette campagne, consacré assez d'articles à l'activité déployée par la Croix-Rouge italienne pour n'avoir pas à analyser la publication que le Comité central italien vient de faire paraître sur ce sujet. Nous nous reprocherions cependant de ne pas la signaler aux personnes qui voudraient, au moyen d'une relation suivie des événements, se rendre un compte exact de la succession des faits et de l'ensemble de l'œuvre que la Croix-Rouge a accomplie à l'occasion de cette guerre.

Le Bulletin no 12 de la Société française contient quelques nouvelles qui nous paraissent mériter d'être communiquées à nos lecteurs.

L'association française de l'Ordre de Malte vient de contracter le double engagement d'acquérir tout le matériel et toute la lingerie d'un hôpital auxiliaire de campagne, lequel sera déposé dans les magasins de la Société de secours aux militaires blessés, à Boulogne, et de verser à la Croix-Rouge française, en cas de mobilisation, une somme de 35,000 francs devant assurer l'entrée en campagne de cet hôpital.

Bien que nous ayons eu souvent l'occasion de nous occuper de l'abus de la croix rouge, nous ne voulons pas laisser passer sans le signaler à nos lecteurs un article intéressant de M. le Dr Riant sur ce sujet, qui vient de paraître dans le Bulletin français. Faisant l'historique de la question, il rappelle les conférences de Genève (1884) et de Rome (1892) où le sujet fut traité, ainsi que le concours ouvert en 1888 par le Comité international, passe en revue les pays (Italie, Belgique, etc.) où des mesures législatives ont été prises et cite enfin le vœu émis par la conférence de Vienne, en 1897, à la suite du rapport de M. de Martens sur la protection assurée à l'emblème en Russie.

On a beaucoup parlé ces derniers temps de l'action des projectiles les plus récents adoptés dans l'armée anglaise. On sait que la balle dum-dum y a été remplacée par la balle dite meurtrière, dont la pointe évidée a causé, dans la récente guerre du Soudan, des ravages considérables dans les rangs de l'armée des derviches. Le Dr von Bruns, médecin général à la suite du corps sanitaire wurtembergeois, a fait des essais de tir avec ce projectile. Il en résulte qu'il se déforme plus facilement que la balle non évidée; la déformation est surtout accentuée dans les tissus imbibés de liquides; la force de percussion est réduite au tiers par la déformation, l'action latérale est augmentée; l'effet hydrodynamique est énorme à une faible distance. Les fractures osseuses sont graves aux distances de 25 à 50 mètres; à 200 et 400 mètres, elles sont plus sérieuses que celles produites par le projectile moderne non évidé, toutefois la différence n'est plus très sensible, à 600 mètres on ne constate pas de différence. L'évidement n'augmente pas la résistance à l'air, au point de vue balistique les deux projectiles sont donc analogues. Il résulte pratiquement des expériences du professeur von Bruns, que le projectile creux est plus meurtrier que la balle moderne habituelle dans les combats à petites distances, par contre il a moins de puissance aux grandes distances et moins de force de pénétration; il est donc inférieur au projectile plein dans les combats en rase campagne des armées modernes et ne présente de supériorité que dans les engagements à de courtes distances. L'auteur considère le projectile évidé comme rentrant dans la catégorie des balles explosibles et estime que son emploi constitue une violation de la Convention de Saint-Pétersbourg de l'année 1868.

M. Ariga, professeur de droit international à Tokio, que son ouvrage sur la guerre sino-japonaise nous a déjà donné l'occasion de présenter à nos lecteurs, nous avise, par lettre du 14 mai 1899, datée de Paris, qu'il a été désigné pour accompagner à La Haye, en qualité de conseiller juriste, les délégués militaires japonais à la Conférence. Il nous annonce en même temps que la Société japonaise de la Croix-Rouge vient de faire construire à Glascow, deux bâtiments de 6,000 tonnes chacun, pour la somme totale de trois millions de francs.

Au cours d'une allocution prononcée à Rouen le 3 février 1898, en souvenir des soldats français morts au service du pays, Sa Grandeur Mgr Touchet, évêque d'Orléans, a tracé à la Croix-Rouge un programme d'action qu'il voudrait la voir s'efforcer d'accomplir, et il a témoigné, par l'entremise du Comité de la Croix-Rouge de la Seine-Inférieure, le désir que le Comité international en propageât l'idée. Malgré cette invite flatteuse, nous n'avons pas cru devoir obtempérer au vœu de l'éloquent prélat; non pas que le but final proposé par lui ne nous fût sympathique, mais parce qu'il nous a paru préférable de ne pas contribuer à pousser les Sociétés de la Croix-Rouge dans une voie où, à notre avis, il vaut mieux qu'elles ne s'engagent pas.

Le dernier rapport anglais avait paru en décembre 1896 à la fin de la rébellion dans la Rhodesia. Celui qui vient d'être publié rend compte de l'intervention de la Croix-Rouge anglaise dans la guerre turco-grecque et au Soudan.

Au début des hostilités entre les Turcs et les Grecs, le Daily Chronicle ouvrit une souscription qui provoqua un tel élan de charité de la part du peuple anglais qu'on était en droit de se demander si les sommes ainsi recueillies et l'action des autres sociétés de la Croix-Rouge sur le champ de bataille ne suffiraient pas amplement à tous les besoins.

Nous relevons dans un mémoire de M. Sabatier, médecin-major de 2me classe, les réflexions suivantes sur le service de santé à Madagascar:

« Les conditions dans lesquelles ont fonctionné les hôpitaux de campagne à Madagascar sont bien différentes de celles qui se trouveraient réalisées au cours d'un guerre continentale. Immobilisés dès le début des opérations dans la zône de l'arrière, échelonnés sur une longue ligne d'étapes, ils ont eu à traiter des malades et non des blessés, dans un pays où l'insalubrité du sol, les difficultés des communications, le manque de ressources locales, rendaient particulièrement pénible la tâche des médecins militaires. Seul l'hôpital no 2 a opéré un mouvement en avant à la suite de la colonne et relevé, à deux reprises, les ambulances des brigades, réalisant ainsi à un moment donné le schéma classique du fonctionnement du service de santé en campagne. »

M. le Dr Daae, dont nous avons parlé dans notre dernier Bulletin (p. 116), nous a adressé diverses observations qui nécessitent de notre part quelques mots encore à son sujet.

Disons d'abord que nous avons quelque peine à comprendre pourquoi notre honorable correspondant considère comme une méprise de notre part le fait que nous ayons utilisé, tout en indiquant qu'il était destiné aux membres de la Conférence de La Haye, un document qu'il avait eu l'obligeance de nous communiquer. Il nous paraît très naturel et très légitime de faire part à nos lecteurs de tout ce qui est de nature à les intéresser dans les imprimés que nous recevons, lorsque l'expéditeur n'a formulé aucune réserve à cet égard.

Pour la première fois, l'assemblée générale de la Société hongroise de la Croix-Rouge, tenue le 17 mai 1899, était présidée par l'archiduchesse Stéphanie, qui, comme on sait, a été appelée par l'empereur d'Autriche à remplir les fonctions de haute protectrice de la Croix-Rouge hongroise en remplacement de la regrettée impératrice Elisabeth, Dans un discours d'ouverture, le vice-président, Dr Laurence Schlauch retraça en termes émus les mérites de l'impératrice défunte, notamment son amour des malades, sa bienfaisance gracieuse, son infatigable désir de soulager les misères et les souffrances, enfin les services inoubliables rendus à la Croix-Rouge, dont elle amena, on peut dire, la fondation en Hongrie en provoquant en 1878, la formation de sociétés de dames pour soigner et secourir les militaires blessés en campagne.