Il est peu de revues qui puissent fêter, comme la Revue internationale le fait aujourd'hui, leur 125e anniversaire, occasion de rappeler l'importance de sa contribution a l'étude des principes de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, du droit international humanitaire, des activitées de l'institution, de l'histoire des idées humanitaires et de ceux qui les ont défendues, des problèmes de la paix et de la morale internationale. Ce qui frappe, en jetant un coup d'œil sur les cinquante dernières années, c'est l'étendue et la diversité des sujets traités. Et deux d'entre eux, pour ne citer que ceux-là, ont pris une large place dans le déroulement des faits relatifs au Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

«Nous savons que tout le droit international humanitaire résulte de l'équilibre entre le principe d'humanité — soit l'impératif qui pousse l'homme à agir pour le bien de ses semblables — et le principe de nécessité — soit le devoir des pouvoirs publics de conserver l'Etat, défendre son intégrité territoriale et maintenir l'ordre. C'est l'éternel affrontement de Créon et d'Antigone.

Lorsque la deuxième Conférence internationale de la Croix-Rouge réunie à Berlin en 1869 adopte le principe de la création d'un bulletin dont la rédaction est confiée au Comité international, elle entend au premier chef que ce «journal mette en rapport les comités centraux des divers pays et porte à leur connaissance les faits, officiels et autres, qu'il leur importe de connaitre». Et depuis lors, le Bulletin international des sociétés de secours aux militaires blessés devenu en 1886 Bulletin international des Sociétés de la Croix-Rouge, puis enfin Revue internationale de la Croix-Rouge en 1919, n'a cessé «de maintenir un courant d'informations et de constituer le lien nécessaire entre les membres du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge». Ce que n'a pas manqué de réaffirmer l'Assemblée du CICR en mars 1988 lorsque, réexaminant la nature et les objectifs de la Revue, elle a tenu à souligner que l'organe officiel du CICR est au service de toutes les composantes du Mouvement et qu'il en reflète fidèlement la doctrine et les activités vis-à-vis du monde extérieur.

La guerre de 1870 avait révélé combien il était difficile de faire respecter au sein des combats le droit international. Des accusations réciproques de violations de la Convention de Genève, ou plus généralement des lois coutumières de la guerre, montrèrent que ni la portée du droit humanitaire ni la diffusion de ses principes n'avaient été en mesure de s'opposer aux actions excessives des combattants. La protection des services de santé et des blessés devrait rester indépendante de la conduite des hostilités. Mais des violations des lois de la guerre, réelles ou supposées, conduisent inévitablement à affaiblir l'application de la Convention. L'opinion publique, prompte à s'émouvoir, la presse, soucieuse de maintenir l'esprit de résistance, les gouvernements même, ne manquent pas de mettre en évidence ou d'amplifier les actes délictueux commis par l'adversaire, et d'englober dans la même condamnation tous les combattants ennemis.

Les institutions — comme les individus — ont une mémoire dans laquelle elles plangent leurs racines et qui leur permet de résister aux vents changeants des passions et des modes. C'est dans une large mesure la conscience historique qui fonde les valeurs servant de points de repère pour le présent et pour l'avenir.

Traiter d'une question d'une telle ampleur peut paraître une gageure. Et prètendre trouver la solution au problème de la paix et de l'humanite serait certes manquer d'intelligence. La première caractéristique de l'intelligence etant précisément de connaître ses limites, il est évident que l'on peut seulement essayer de deviner ce que pourraient être les réponses à une question aussi vaste; pour ce faire, il est nécessaire de jeter un regard sur le passé pour mieux appréhender l'avenir.