De tous les dramaturges étrangers connus en France au XVIIIème siècle, Métastase soulève l'enthousiasme le plus général. Alors que Shakespeare, par exemple, n'obtient que des louanges fort mitigées, et restera, en somme, pendant tout le siècle “un génie plein de force et de fécondité,” mais “sans la moindre étincelle de bon goût,” le librettiste italien a pour lui la faveur à peu près sans réserve de la critique contemporaine. De fait, on voit presque en lui l'heureuse contrepartie de Shakespeare. L'abbé Raynal, par exemple, le juge “un écrivain diffus, mais délicieux, et qui joint à beaucoup d‘élégance et de délicatesse, du sentiment et du pathétique.” Si Shakespeare éveille un intérêt plutôt scandalisé, Métastase, par contre, plaît par la variété de son œuvre où chacun peut trouver quelque chose qui satisfasse son goût: certains s'attendrissent sur des situations touchantes et morales, dignes du drame bourgeois; Diderot cite de Métastase un passage “bien vrai et qui peint fortement la tendresse des mères.” La plupart voient en lui l'auteur de tragédies régulières. Certes, on le loue parfois pour ses qualités lyriques, et à ce point de vue, Saint-Lambert le met au dessus de Quinault; de même, l'enthousiasme débordant de J-J. Rousseau dans son Dictionnaire de Musique est causé par les qualités éminemment musicales de la poésie de Métastase et non par les procédés dramatiques de l'auteur. Saint-Lambert et Rousseau placent ainsi le poète dans son vrai jour. Mais, le plus souvent, on dégage les livrets de Métastase de toutes considérations musicales, et on les juge sur leur valeur dramatique: “Ses pièces, pleines d'esprit, de situations, de coups de théâtre et d'intérêt,” écrit le Président de Brosses, “feraient sans doute un plus grand effet si on les jouait en simples tragédies déclamées, laissant à part tout le petit appareil d'ariettes et d'opéra qu'il serait facile d'en retrancher.” Voltaire, après de Brosses, ne cesse de développer la même idée. Il loue la régularité des tragédies-opéra “du célèbre abbé Métastasio,” “comparables à tout ce que la Grèce a eu de plus beau, si elles ne sont supérieures;” supérieures parfois aux tragedies de Corneille; produits d'un talent “que, depuis les Grecs, le seul Racine a possédé parmi nous.” Palissot, et plus tard Le Prévost d'Exmes, font, après Voltaire, la même apologie et conservent le même point de vue. C'est ce qui explique que l'imitation de Métastase se soit fait sentir dans la tragédie régulière, avant d'envahir la scène de l'Académie Royale de Musique. En effet, ce n'est qu‘à partir de 1783 qu'apparaissent, sous forme d'opéras, des adaptations de Métastase. Bien avant cette date, les auteurs dramatiques français se sont emparés de l'ceuvre du poète italien, dans l'espoir de trouver chez lui des procédés qui puissent insuffler un peu de vie à la tragédie qui languit. La vogue pour Métastase se fera sentir surtout après 1751, date de la publication des premiers volumes de la traduction de Richelet.