Depuis plus d'un siècle, l'économie politique a été accusée périodiquement, et non sans raison, d'être utilisée, non pas comme une science, mais comme un soutènement de croyance. Dans ce dernier rôle, on considère qu'elle ne sert pas à la compréhension des phénomènes économiques, mais bien à l'exclusion des lignes de pensée qui heurtent ou troublent la discipline économique, ou conjointement une communauté économique et politique influente. Marx décrivait les « économistes » comme les « représentants scientifiques de la classe bourgeoise » (1); il estimait qu'après la conquête du pouvoir par la bourgeoisie en Angleterre, « la question n'était plus, aux yeux de l'économie politique, de savoir si tel ou tel théorème était vérifié, mais s'il était utile ou nuisible au capital, convenable ou inopportun, politiquement dangereux ou non. À la place d'enquêteurs désintéressés, on avait affaire à des « boxeurs dont on loue les services » ; à la place d'une recherche authentiquement scientifique, on trouvait « la mauvaise conscience et la malice de l'apologétique » (2). Veblen, après avoir déclaré que le modèle concurrentiel des économistes classiques « se présente comme le test de la vérité économique », enchaînait : « Ce point de vue ainsi établi guide sélectivement l'attention des auteurs classiques dans leur observation et leur entendement des faits … » (3). Tawney observait que durant la majeure partie du siècle dernier, le conflit entre « les droits individuels et les fonctions sociales était marqué par la doctrine de l'harmonie inévitable entre les intérêts privés et le bien commun » (4).