Pour les pasteurs nomades sud-sahariens, l'insuffisance ou l'irrégularité des pluies se traduit par une réduction des ressources fourragères annuelles et, par voie de conséquence, par un déficit alimentaire. Les calendriers historiques touaregs, qui privilégient pour chaque année l'événement majeur, resté vivant dans toutes les mémoires, voient périodiquement s'inscrire des années mauvaises, dénommees awetay wa n iba n allamoz, l'année de manque d'herbe—ou awetay wa n laz, l'année de la faim, ou encore, awetay wa n manna, l'année de la famine. Ces trois définitions font référence à un même phénomène, à une même catastrophe, en mettant l'accent, soit sur les troupeaux privés de pâturage, soit sur les hommes accablés par le manque de nourriture. En tamasheq, laz signifie la faim, alors que manna, associe la notion de famine à celle de sécheresse; c'est ainsi que Foucauld (1925/30: II 56) traduit dans un poème le terme de manna par la périphrase: ‘La famine provenant de la sécheresse, les tourmentait, je pense’. Si la sécheresse impose des modifications dans le régime alimentaire, il faut préciser que chaque cycle annuel apporte normalement une variation saisonnière de l'alimentation. Aussi insuffisantes en quantité qu'irrégulières dans leur répartition que soient les pluies, elles sont cependant concentrées en zone sahélienne durant la période estivale; c'est pourquoi chaque année voit se renouveler une saison bienfaisante où les pluies régénèrent les pâturages, remplissent les mares, réalimentent les nappes. Pendant deux ou trois mois, où le lait abonde, se joue pour toute l'année, le développement de la végétation et la constitution du stock de fourrage qui va permettre d'attendre le retour des prochaines pluies.