En 1923, l'Union des armateurs de Norvège a commencé la publication d'une grande histoire de la marine norvégienne depuis les origines jusqu'à nos jours ; l'ouvrage paraît sous la direction du Professeur J. S. Worm-Müller. Pour champ d'études, il a tout ce qui concerne la navigation. Dans le premier volume, nous suivons le développement de la marine depuis l'époque préhistorique jusqu'à 1800 ; dans le tome II, actuellement en cours de publication, l'évolution se prolonge jusqu'à présent ; dans les tomes III et III, il est question de la construction des navires, des phares et des sémaphores, des ports et du pilotage, de la marine de guerre, de la pèche de la baleine et de la pêche dans les mers polaires, du langage des marins, en un mot, de tout ce qui a, en quelque manière, un rapport étroit et naturel avec les bateaux, les marins et la marine.

Nous avons naguère indiqué rapidement les méthodes commerciales des Arabes au moyen âge à la fois d'après les ouvrages des jurisconsultes musulmans sur leur propre droit et les ouvrages de jurisconsultes européens sur le droit musulman, non sans observer que Joseph Kohler, Professeur à l'Université de Berlin, il y a une trentaine d'années, dans sa brochure sur « la commenda en droit islamique », de même que Grasshoff dans son livre intéressant et plus sérieux sur « le droit du change des Arabes » avaient exagéré l'influence de ces méthodes sur celles des chrétiens : une vraie interpénétration est douteuse, tandis que la diffusion de la civilisation antique est certaine et que des besoins identiques expliquent de fortes ressemblances.

Féodalité : le mot est solidement ancré dans l'usage ; il avait, dès les Cahiers de 1789, il possède de nos jours encore — associé à l'ordinaire, dans cet emploi, aux épithètes plus modernes de « financière » ou d’ « industrielle » — une valeur émotive certaine. De son histoire exacte, cependant, nous ne savons à peu près rien. C'est le sort commun de notre vocabulaire historique le plus habituel. Incontestablement, dans le sens élémentaire de «relatif à un droit de fief » (feodum), l'adjectif latinisé feodalis remonte au plein moyen âge et sa transcription française n'est sans doute pas beaucoup plus jeune. Mais le véritable problème n'est pas là : ce qu'il faudrait déterminer, c'est le moment où, pour nommer tout un régime social, on a commencé à parler soit de féodalité, soit, plus souvent peut-être et plus tôt, avant que la mode des substantifs abstraits ne se fût répandue, de « système » ou encore, comme Voltaire, de « gouvernement » féodal.

Une étude de Mr B. S. Chlepner, documentée sur des recherches personnelles, écrite d'une plume alerte dans un style concis dont la précision n'exclut pas les remarques judicieuses et les aperçus suggestifs, retrace l'histoire financière de la Belgique depuis 1830. Il s'agit bien d'histoire financière, de finances privées et non de finances publiques ! Le titre est à cet égard d'une heureuse précision.

Deux périodes, pour simplifier : l'essor, un moment entravé et ralenti par les crises de 1838 et 1848 ; puis, l'intense développement d'avant-guerre. Mr Chlepner a multiplié les divisions, sans illusion d'ailleurs, sur la valeur conventionnelle des coupures en histoire, « surtout en histoire économique » (p. 72).

Pour un livre visiblement écrit avant le krach boursier de l'automne 1929 et le déclanchement de la crise économique actuelle, l'ouvrage de Mr Jean Filippi sur la stabilisation des prix, solidement nourri d'ailleurs en ce qui concerne l'exposé objectif des faits et des diverses théories reçues, contient des vues fort raisonnables et pondérées. Faute du recul que nous donnent aujourd'hui les faits accomplis, il ne nous fournit pas cependant une critique aussi poussée qu'on le désirerait de certains aspects de la politique stabilisatrice du Federal Reserve Board.

Que l'homme d'entreprise, dont les initiatives tissent au jour le jour la trame des faits présents soit, tout aussi bien que l'historien, tributaire et bénéficiaire des progrès de la psychologie : cette vérité ne justifierait pas nos Annales de vouloir suivre, dans leur complexité mouvante, des recherches conduites partout, aujourd'hui, avec un renouveau d'ardeur et d'énergie. Ni même de faire place, dans leurs comptes rendus, à des ouvrages généraux, si pleins d'enseignements soient-ils : je songe tout particulièrement, pour n'en citer qu'un, à la remarquable Introduction à la Psychologie Collective publiée, il n'y a pas longtemps, par le Dr Charles Blondel.

A mesure que semble se préciser l'idée d'une fédération européenne, le besoin se fait sentir de l'appuyer, non plus sur des hymnes et des discours, mais sur des faits concrets. Nous pensons que cette idée prendra corps non pas par des ententes politiques en premier lieu, mais par des accords économiques. Le moment est venu de chercher dans l'économie européenne, par des études très serrées, État par État, les symptômes et les tendances qui permettent d'affirmer qu'un certain degré d'unité est possible. Quoique le livre extrêmement suggestif de Mr Wladimir Woytinski ne s'occupe encore que de l'Europe prise dans son ensemble sans descendre, par exemple, jusqu'à l'analyse d'États voisins pris deux à deux, il n'en constitue pas moins un remarquable effort pour chercher les bases possibles d'une unité européenne.

Tous ceux qui s'intéressent à l'histoire économique et sociale connaissent l'ouvrage monumental, intitulé London Life and Labor, que Charles Booth commença de publier en 1889 et qu'il termina en 1903. Depuis cette époque, de graves événements ont profondément changé les conditions économiques et sociales de la grande cité. La comparaison du Londres d'aujourd'hui et du Londres d'autrefois aurait un intérêt puissant. Mais qui oserait renouveler une pareille enquête et entreprendre cette énorme tâche ? Elle vient d'être entreprise, sous les auspices de la London School of Economies, avec l'aide de généreux donateurs, par un comité dont le directeur est sir Hubert Llewellyn Smith, avec la collaboration de nombreux savants. On aura d'abord une idée des questions abordées dans ce premier volume par la simple énumération des principaux chapitres.

Je me sens un peu embarrassé au moment de signaler ici la très belle publication que, sous un titre assez vague : Gesellschaft und Wirtschaft, Bildstatistiches Elementarwerk, vient d'éditer récemment le Bibliographisches Institut AG de Leipzig. Elle paraît sans nom d'auteur. Mais la notice d'introduction qu'on trouve au folio 101 et qui précède une série de 30 feuillets de texte explicatif et de notes est signée de Mr Otto Neurath, directeur du Gesellschafts- und Wirtschafts Museum de Vienne ; et d'ailleurs, sur la feuille même de titre, quelques mots attestent que nous sommes en présence d'une publication de cet établissement. C'est lui, nous dit-on, qui a entrepris de figurer au moyen de cent planches en couleurs, la diversité des formes de production ; la structure des sociétés ; l'échelonnement des civilisations et la variété des niveaux de vie.

Les publications des sociétés savantes sont souvent d'excellents instruments de travail pour l'historien de l'habitat. C'est ainsi que nous devons à la Société des Amis des Arts et des Sciences de Tournus de pouvoir nous faire une idée assez précise des vicissitudes de l'occupation du sol dans ce coin de Saône-et-Loire. Sur quatorze communes du canton de Tournus, seules les trois plus écartées — Ratenelle et Romenay-en-Bresse, La Chapelle-de-Brancion- en-Montagne, — n'ont pas encore trouvé d'historien. Deux châtellenies, la plupart des seigneuries ecclésiastiques ont été étudiées ; l'archéologie des trois derniers millénaires a fait l'objet de répertoires soignés. De ces travaux — de ceux en particulier de Mrs Martin, Jeanton et Dard — se dégagent quelques résultats d'une exceptionnelle netteté.

Il y a plusieurs thèses dans la thèse de Mr Axel Somme. Sonlivrex, quoique un peu touffu, n'en est pas moins riche de renseignements utiles ; il reflète ainsi la complexité et l'enchevêtrement des intérêts autour de la métallurgie lorraine, — cette épithète prise au sens large et d'ailleurs géographique du mot : Lorraine française d'avant-guerre, Lorraine allemande désannexée, Luxembourg. Mais l'auteur ne s'est pas borné à une étude de la métallurgie depuis la découverte du procédé Thomas et de la mise en valeur du bassin de Briey jusqu'à l'après-guerre ; il y a ajouté un aperçu sur la sidérurgie — avant et après la guerre — des bassins houillers voisins.

C'est par un travail sur le suicide que naguère, pour la première fois, Durkheim prit contact avec un problème précis, techniquement sociologique. Il est significatif qu'un des meilleurs parmi ses héritiers intellectuels, Mr Maurice Halbwachs, ait cru devoir renouveler aujourd'hui l'étude de ce même thème : témoignage de cette liberté d'esprit qui — Mr Halbwachs nous en a donné déjà plus d'un exemple — s'allie parfaitement avec une volontaire fidélité à certaines grandes directives de pensée ; preuve aussi de l'importance décisive que des chercheurs, enclins par principe à mettre l'accent avant tout sur l'aspect social des phénomènes humains, sont naturellement amenés à accorder au phénomène du suicide. Nulle part, en effet, l'influence de l'élément supra-individuel, d'autant plus remarquable qu'elle semble, au premier abord, moins prévue, n'apparaît avec plus d'éclat.