Consacré à l’étude du mimétisme entre Français et Amérindiens dans la Nouvelle-France des xviie-xviiie siècles, cet article ne s’interroge pas tant sur les échanges, les transferts culturels et les processus d’acculturation qui caractérisent la rencontre – comme en témoigne l’adoption par certains colons de la pratique autochtone du tatouage –, que sur la façon dont les cultures, avec leurs logiques particulières, se révèlent et s’actualisent en toute spontanéité dans des contextes d’interaction exotique. L’attitude du comte de Frontenac qui, lors d’une conférence à Montréal en 1690, danse et chante la guerre un tomahawk à la main parmi ses alliés autochtones, est ainsi moins analysée comme une forme d’indianisation que comme le réflexe d’un homme de Cour passé maître dans l’art de la représentation. La propension des Amérindiens, dans certains contextes de la rencontre, à mimer les manières, les gestes ou l’esthétique des Français, est quant à elle distinguée de l’acculturation à proprement parler, et interprétée comme une forme ritualisée et spontanée d’appréhension de l’autre dans sa différence. Imiter les Français, pour les autochtones, ne reviendrait pas à les parodier mais à les adopter, à établir avec eux, par la médiation du rituel, une relation d’homologie et de connivence. Il ne s’agirait pas, au fond, en les mimant, de reconnaître les Français, mais d’annihiler toute possibilité d’émergence de l’altérité humaine et toute amorce d’histoire.