En hommage à celui qui aura beaucoup fait pour orienter l'histoire vers l'étude des états ou des moments de civilisation — et par conséquent des psychologies diverses et imprévisibles qu'on y voit jouer — je voudrais présenter quelques observations sur une série de faits concernant ce qu'on peut appeler la politique matrimoniale des tyrans grecs. Faits menus où, pour un peu, on ne verrait d'abord que de l'accidentel et de l'arbitraire, autrement dit de l'historique brut ; mais significatifs peut-être : on essayera de montrer en quoi.
C'est ainsi que Louis Gernet ouvrait, en 1954, ses Mariages de Tyrans, contribution à Y Eventail de l'histoire vivante en hommage à Lucien Febvre. Elle offre un excellent exemple de sa méthode, de son style d'écrivain et de son attitude humaine.
De manière très différente, dans le premier tome du même recueil, Ignace Meyerson présentait ses Problèmes d'histoire psychologique des œuvres : spécificité, variation, expérience, un texte dense et profond, fruit d'une recherche poursuivie sur une vie entière. L'unité de lieu et la différence de nature des deux contributions sont révélatrices de quelques traits du rapport entre l'helléniste Louis Gernet et le psychologue Ignace Meyerson : un rapport scientifique doublé d'une amitié réelle, née dans l'été 1928 chez le sinologue Marcel Granet. Celui-ci avait été le camarade de Gernet à l'École normale supérieure — Gernet, né en 1882, était de la promotion 1902 ; Granet, né en 1884, de la promotion 1904. Ils furent encore ensemble à la Fondation Thiers où ils eurent comme collègue Marc Bloch. Gernet et Granet vécurent ensemble l'expérience du club des Cahiers du socialiste qui lia autour de Robert Hertz la fleur de la jeune intelligentsia sociologique : Bianconi, Halbwachs, Mauss, H. Lévy-Bruhl, Simiand et E. Lévy.