En dépit de leur importance, les donations ne sauraient expliquer à elles seules la décadence des vieilles fortunes : répétées à chaque génération, elles en rongent les contours et les amenuisent ; elles ne les détruisent pas brutalement. Le cœur du patrimoine « échu par succession de lignage » est, en effet, protégé par les coutumes locales contre les libéralités excessives. Mais est-il à l'abri des partages entre les héritiers ? Voilà le second aspect du problème, — et le plus gros de conséquences.
Abandonnons un instant les cadres bordelais pour faire un tour rapide d'horizon. Dans la construction de leur régime successoral, la plupart des noblesses ont, j'imagine, supporté le poids d'une double préoccupation : conserver l'intégrité du patrimoine ; assurer aux enfants non seulement leur subsistance, mais une fortune digne de leur naissance. En somme, d'un côté, l'idée politique, sauvegarde de la puissance féodale et de la perpétuité dynastique ; de l'autre, l'amour paternel. Sentiments impérieux, mais qu'il était difficile de concilier sans aboutir à une impasse.