L'Occident médiéval a été décrit comme un monde de la faim, où l'ostentation des festins, cérémonial de la puissance ou thème poétique, exprimerait par contraste un comportement de classe ; l'insécurité physiologique serait, entre autres formes de l'insécurité, la plus commune et la plus redoutable : équilibre fragile, rompu à la moindre alerte, qui pose le difficile problème des régimes alimentaires.
C'est dans le cadre de recherches concordantes sur la consommation de viande dans les sociétés médiévales que s'inscrit l'étude de L. Stouff. On sait que les sources sont inégalement favorables, selon les régions, à une description des conditions de la vie matérielle au Moyen Age; de patients défrichements ont accrédité l'hypothèse que les hommes se sont mieux nourris qu'on ne l'aurait cru, et l'on ne peut manquer d'être frappé par les perspectives qu'ouvrent, pour les « temps difficiles », l'histoire de la vie pastorale ou l'histoire du commerce de la viande sur pied : délaissant pour un temps le cheminement des balles de drap et d'épices à travers l'Europe, il est bon de suivre les gigantesques troupeaux de bœufs, qui, traversant les Balkans, viennent ravitailler en viande la ville de Venise, ou les marchands de bétail, qui, avec leurs caravanes, convergent par la Hongrie et la Moravie vers Nuremberg.